La "laïcité" du yoga
En m’engageant sur le chemin du yoga, je me suis longtemps demandé ce qu’il pouvait y avoir derrière : une religion, une spiritualité, une philosophie… et comment dans le cadre de mon éducation environnementale judéo chrétienne j’allais pouvoir y trouver ma place. Une vaste exploration…
Craintes, rejets, distances puis petit à petit perception que le yoga pouvait apporter une grande ouverture.
Aujourd’hui ma vision est plus clair mais toujours en constante gestation.
Je retiens surtout le fait que le yoga s’intéresse au fonctionnement de l’être humain, propose des repère philosophiques millénaires avec toute liberté d’interprétation, liberté de penser dans la mesure du respect d’autrui. A chacun de faire son chemin, ses choix…et regarder les mystères de la vie et ce avec une vraie souplesse idéologique.
Pour compéter ces quelques mots, je vous propose ci-dessous un texte de Michel ALIBERT, professeur de yoga et formateur lyonnais qui s’est interrogé sur la question de la « laicité » du yoga.
La « laicité » du yoga
Voila un titre qui peut surprendre. Le mot laicité ne vient pas spontanément aux lèvres lorsque l’on évoque la culture orientale en générale, l’Inde et le yoga en particulier.
Que faut-il entendre par « laicité » ?
Le mot laïc, qui vient du grec laikos : peuple, désigne ceux qui ne sont pas clercs, et donc qui ne sont pas impliqués dans les structures de la hiérarchie catholique. Par extension, il désigne toutes personnes qui n’appartient pas à une institution religieuse quelle qu’elle soit. La laïcité est d’abord le système qui exclut les Eglises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif et en particulier de l’organisation de l’enseignement. De nos jours, le mot désigne plutôt l’attitude de neutralité qui permet à une institution de respecter les opinions de chacun, dans la mesure ou celles-ci ne constituent pas une atteinte à autrui.
En quoi le yoga est-il « laïc »?
Si on observe ce qui s’est passé en Inde, on constate que le yoga est une discipline fort ancienne, qui s’est enrichie au cours des âges, par l’apport des traditions, mais qui a toujours gardé une autonomie d’expression par rapport à elles. Ceci est très perceptible lorsque l’on étudie le traité fondamental du yoga : le yogasûtra de Patanjali.
Prenons un exemple débattu en Occident : la réincarnation. Depuis l’émergence du bouddhisme, au milieu du premier millénaire avant notre ère, la doctrine des réincarnations s’est répandue dans toute la pensée indienne, alors que très probablement elle n’était jusque là professée que dans certain courants. Soulignons au passage que cette vision des choses ne cherche pas à valoriser ces vies successives mais au contraire elle les regrette et invite à les interrompre le plus tôt possible en changeant la façon dont nous agissons. Le yogasûtra présente « la loi du karma », c'est-à-dire la loi qui régit les relations entre nos actes et leurs conséquences, de façon telle, qu’elle est acceptable aussi bien pour les adeptes de la théorie des vies successives que ceux qui n’y adhère pas.
Grace à cette souplesse idéologique, le yoga peut être utilisé par des groupes très divers : vedantins, bouddhistes, jaïnes, tantriques…
Le yoga a pu être admis par différents points de vue, il a bien évidement été réinterprété dans chaque système.
En fait le yoga donne un enseignement sur le mode de fonctionnement de l’être humain quelles que soient ses croyances. Il s’intéresse à la façon dont les hommes existent beaucoup plus qu’à ce qu’ils croient. Il reste que cette anthropologie n’est pas complètement empirique, ou si l’on préfère, son empirisme intègre des éléments qui ne relèvent pas du simple positivisme. Le yoga prend en compte le mystère qu’est l’existence.
Donnons deux éléments :
Le premier concerne la transcendance. Le yoga constate que l’être humain a besoin de se situer par rapport à ce qui le dépasse. La question de la création n’est pas présente dans cette interrogation. Ce que retient le yoga, c’est que l’être humain peut faire l’expérience qu’il y a comme une altérité qui est face à lui dans les incertitudes de sa vie. Qui remercier pour les bonheurs incompréhensibles, qui implorer dans les difficultés douloureuses et injustifiées. Ce qui nous dépasse n’est pas ce qui donne des explications, mais ce qui fait vivre en transformant l’expérience en enseignement. Cet enseignement se manifeste à nous grâce à tous ceux qui nous apportent quelque chose et qui sont des figures divines.
Le deuxième concerne la nature humaine, plus exactement la double nature humaine. Pour décrire la complexité de l’être humain le yoga a besoin de penser l’homme comme constitué d’une double nature. L’une est très compréhensible, elle est faite de substance et comprend les aspects physique, énergétique, affectif et mental d’une personnalité. L’autre, plus mystérieuse est l’ouverture du sujet qui vit, qui perçoit qui est ému et qui réfléchit. Il me semble que se posent ici les questions liées à la spiritualité.
Ces deux aspects, la relation à la transcendance et la spiritualité, appréhendés dans l’empirisme de l’existence des individus, peuvent être investis très différemment par un agnostique, un sage un philosophe, un existentialiste, un croyant ou un…(A propos, avez-vous envie de vous désigner ? et comment ?).
Le yoga nous invite certes à aborder ces domaines. D’ailleurs, n’y sommes nous pas confrontés du seul fait que nous sommes vivants ? Mais le yoga n’impose pas de réponse toute faite, ni système préétabli.
Voilà en quoi semble possible et souhaitable de parler de laïcité du Yoga.
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